Interview

«Mes amis doivent faire preuve d’un peu de courage»

Cannabis pour tous ?dossier
Daniel Vaillant, député PS, est pour la légalisation à visée thérapeutique :
par Michel Henry
publié le 4 octobre 2012 à 21h06

Député de Paris et ancien ministre de l’Intérieur, Daniel Vaillant va déposer une contribution au congrès du PS pour la légalisation du cannabis thérapeutique.

Quel est l’objet de votre contribution ?

C’est l’espoir d’un progrès lent. Cette question du cannabis devient difficile, on l’a vu avec la récente étude australienne qui dénonce sa dangerosité sur les jeunes, et je suis d’accord là-dessus. Mais il ne faudrait pas pour autant fermer la porte à tout débat. Certes, la priorité de ce gouvernement doit être la lutte contre la crise, mais on ne peut pas avoir peur d’un débat sur le cannabis. L’ouvrir n’est pas dangereux. Légiférer dessus sans convaincre, ça pourrait l’être. Mais ne rien faire, ça l’est : on est en échec par rapport au trafic, à l’économie parallèle, à la consommation dangereuse.

Pourquoi légaliser le cannabis thérapeutique ?

Il s’agit de soulager des hommes et des femmes lorsqu’ils souffrent de maladies neurodégénératives, de certains cancers ou du sida. Actuellement, on leur colle de la morphine, point. Beaucoup de médecins sont démunis. Ils pourraient proposer des dérivés du cannabis, qui évitent l’effet d’addiction de la morphine. La France est un des rares pays qui refusent d’ouvrir le débat.

Quel peut être l’effet de votre contribution ?

J’essayerai de faire en sorte que la motion du futur premier secrétaire, Harlem Désir, que je soutiens, contienne un court amendement permettant au PS d’envisager un débat sur cette question. Ensuite, je vais écrire une proposition de loi en 2013, mais pas tout seul. J’essayerai de convaincre le groupe socialiste de la déposer. Ensuite, dans les trois ans, je veux que le Parti socialiste et le gouvernement ouvrent le débat plus largement.

En avez-vous parlé avec François Hollande ?

Oui, quand il était candidat. Il m’a écouté. Il dit qu’on ne pourra pas rester sur la logique prohibitionniste de la loi de 1970 (1), mais qu’il faudra maintenir un interdit. François Hollande n’est pas favorable à une évolution législative, il a peur d’apparaître comme libertaire. Mais moi, je ne suis pas libertaire ! Ma proposition, ce n’est pas pour ouvrir de nouveaux droits.

Au Parti socialiste, peu de gens vous suivent…

Je suis moins isolé qu'on ne le dit. Je crois qu'il y a une évolution des mentalités par rapport à l'échec de la prohibition. Certains étaient fermés, mais ils se rendent compte qu'on lutte mal. La France a la législation d'Europe la plus dure et c'est là où on consomme le plus. Beaucoup d'élus me disent : «Tu as raison, mais on ne peut pas le dire, on a peur d'être embêtés dans notre circonscription.» Je suggère à mes amis de faire preuve d'un peu de courage. Ça m'embête que des gens, y compris de droite, restent sur la position de l'interdit au motif que si on bouge, on se fait flinguer au sein de son parti. Il faut faire évoluer les choses tranquillement.

Les déclarations de Manuel Valls sur la «guerre à la drogue» ne vont pas dans votre sens…

J’ai été ministre de l’Intérieur et je comprends qu’il colle à la répression du trafic. Moi, je suis pour une approche de santé publique. Et je suis un peu surpris que ces nouvelles générations de politiques ne soient pas plus ouverts. Pendant la primaire, Arnaud Montebourg et Manuel Valls étaient sur une logique moraliste : «Circulez, y a rien à voir.» Or, des jeunes ont une consommation dangereuse avec un risque d’échec scolaire et de pertes de mémoire. La prohibition ne marche pas, sinon ça se verrait.

(1) La loi actuelle punit l’usage de drogues d’une peine maximale d’un an de prison.

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