Les Cannabis social clubs peinent à raviver la flamme

Les Cannabis social clubs peinent à raviver la flamme

«  La première règle des Cannabis social clubs, c’est qu’on ne parle pas des cannabis social clubs  » : cela pourrait presque être la maxime de ces groupes de planteurs et fumeurs d’herbe. Car depuis la dissolution le 20 juin...

Par Victor Nicolas
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Rassemblement place de la Bastille  Paris pour la lgalisation du cannabis, le 7 mai 2011
Rassemblement place de la Bastille à Paris pour la légalisation du cannabis, le 7 mai 2011 - REVELLI-BEAUMONT/SIPA

«  La première règle des Cannabis social clubs, c’est qu’on ne parle pas des cannabis social clubs  » : cela pourrait presque être la maxime de ces groupes de planteurs et fumeurs d’herbe. Car depuis la dissolution le 20 juin 2013 de la fédération des Cannabis social clubs par le tribunal de grande instance de Tours (Indre-et-Loire), les groupes vivent dans la clandestinité. Alors qu’on pourrait croire que la répression les aurait conduits à l’explosion, les Cannabis clubs continuent d’exister, comme si de rien n’était ou presque.

« La dissolution n’a pas changé grand-chose, elle nous a permis de mieux nous organiser  », affirme Dominique Broc. Ce jardinier de 45 ans et père de deux enfants, porte-parole du Cannabis social club français (CSCF), qui regroupe tous les cannabis clubs, a pourtant été perquisitionné le 21 février 2013. Les policiers ont saisi chez lui quelque 130 pieds de cannabis. Il a été condamné à huit mois de prison avec sursis et à une amende de 2 500 euros, qui aurait été réduite à 500 euros devant la Cour d’appel, où il a comparu sans avocat pour réduire les frais de justice.

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«  J’ai dit aux policiers que j’allais replanter  »

«  Dès ma garde à vue, j’ai dit aux policiers que j’allais replanter, je l’ai fait sans être inquiété  », fanfaronne-t-il. Son club de planteurs de cannabis de Tours qui rassemble six personnes fait aujourd’hui pousser une cinquantaine de pieds de ganja dans la cave de l’un des adhérents. Surtout de la Power Kush, une variété connue des amateurs pour son arôme et son taux de THC élevé, assurant une forte ivresse, ainsi que des plantes au faible taux de THC, qui seraient destinées à des soins thérapeutiques.

La culture se fait dans des lieux différents : des adresses déclarées des associations, par peur de se faire «  braquer les plants  ». Les autres clubs dissous n’auraient pas été perquisitionnés, et continueraient leurs plantations.

Ces groupes, inspirés par un modèle existant en Espagne, et qui se multiplient en Europe, cherchent à mettre en commun les moyens de production d’une herbe de qualité, et de permettre aux membres de s’approvisionner sans passer par les réseaux habituels. Tout cela sans aucun échange financier. Bien sûr l’autoproduction existait déjà mais cette forme de désobéissance civile prendrait alors une tournure politique.

Un pétard mouillé  ?

Pourtant cette opération de cannabis clubs a un petit côté pétard mouillé. Les associations ont beaucoup communiqué début 2013 et obtenu une forte exposition médiatique, leur porte-parole affirmant qu’il existait quelque 400 clubs de ce style en France.

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Seulement, au moment de se déclarer en préfecture, le mouvement fait psscht, et seules six associations se déclarent au Journal officiel début 2013 : en Vendée, Loire-Atlantique, Indre-et-Loire, Haute-Vienne, Creuse, et Charente-Maritime, malgré la volonté de solidarité qui figure dans les bases politiques du CSCF. Dominique Broc se défend :

«  La stratégie était de faire une déclaration massive si le débat avait avancé sur le plan politique. Mais comme nous avons vu que nous allions droit vers la dissolution, nous n’avons pas voulu payer les frais de 400 procès. »

Le son de cloche est légèrement différent du côté du Collectif d’information et de recherche cannabique (CIRC) : «  Ça a été fait à la va-vite, il y a eu une réaction des autorités et ça a refroidi pas mal de monde », décrypte le porte-parole KShoo.

« Mais il y a un côté bordélique dans le militantisme sur le cannabis que nous assumons, qui est peut-être dû au produit lui-même.  »

Peu de suites politiques

Les cannabis clubs espéraient bousculer l’opinion et sensibiliser les politiques. La partie ne serait qu’à moitié perdue. Certains affirment que l’opinion publique a évolué, et qu’elle serait désormais sensible à l’argument d’une interdiction jugée hypocrite. Plus de 13 millions de Français auraient déjà fumé du cannabis en 2011, et plus d’un million en fumerait régulièrement, d’après les chiffres de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT)

Sur le plan politique, il y a eu peu d’avancées, mise à part une proposition de loi pour autoriser la vente contrôlée de cannabis, présentée début 2014 au Sénat par Esther Benbassia (EELV), restée sans suite.

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Les CSC affirment avoir été contactés par des politiques de tous bords s’intéressant à leur initiative et à une éventuelle régulation. Sur ce point, Dominique Broc ferait presque confiance à l’UMP, «  la gauche est à la limite plus dangereuse car ils ont peur de se faire tirer dessus par la droite sur ce sujet  », croit-il savoir. Le débat a en tout cas été soulevé et aurait donné des idées aux amateurs de fumette. Il y aurait aujourd’hui «  des milliers  » de cannabis clubs en France, qui réuniraient jusqu’à vingt cultivateurs en herbe par club. Au-delà ce serait «  une cible intéressante pour les mafias ».

« Passons à la désobéissance fiscale »

Pour coordonner ces forces, l’association des Amis du cannabis social club français a vu le jour dès juillet 2012. L’association possède un site Internet et rassemble plus de 16 000 fans sur sa page Facebook. Elle se présente comme «  la partie émergée de CSCF, un outil technique permettant aux CSC de s’unir et de se faire entendre »

La résistance s’organise surtout en ligne. L’un des deux community managers de la page Facebook partage par exemple des conseils à des Cannabis clubs poursuivis en justice, avec une lettre type à envoyer au président du tribunal. Celle-ci présente les clubs comme des victimes des lois de prohibition, cherchant avant tout à lutter contre le trafic.

Les fumeurs inquiétés peuvent également s’adresser au pôle juridique sur le site de l’asso. La page Facebook propose même d’autres types de résistance que la culture de stupéfiants  : « Passons à la désobéissance fiscale (ça c’est sur ils ne vont pas aimer...) en refusant de payer et/ou déclarer nos impôts. »

Le groupe aurait d’autres projets fumants en attente. Notamment pour commémorer les 44 ans de la loi du 31 décembre 1970, qui pénalise l’usage et le trafic de toute substance illicite, rebaptisée par ces contestataires «  loi prohibition  ». Ils envisagent de déclarer à nouveau leur association en préfecture, avec cette fois-ci un bureau collégial de plusieurs milliers de personnes. Cela devrait perturber le travail des policiers s’ils souhaitent appréhender chacun des membres  : jusque-là, il n’y avait que douze membres au bureau du Cannabis social club français. Un projet ayant l’objectif de relancer le débat et qui pourrait bien mettre les autorités en pétard.

Victor Nicolas
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